Thala, Foussana: grenier menacé
Petit pays, Grande histoire ,Auto-Récit d’un village, Thala,Tunisie (18)
Cahier 1.7 : Thala, Foussana : grenier menacé qui précède le No 19 de Birano...
‘Bira’ et ‘Fos’ deux chasseurs redoutables quittèrent ‘Nadjaria’ (Thala) à la traque de l’ours géant qui a ravagé les huttes et a tué deux hommes, trois femmes et cinq enfants dans une parade de quelques heures. Sa piste les emmena à longer la forêt des loups (El Flaligue) dans un domaine très vaste qui s’étire sur trois directions, formé d’une chaine de collines accidentées s’imbriquant l’une à l’autre s’allongeant vers l’Ouest et le Sud Ouest dans une couverture touffue d’arbres, les fleuves très nombreux serpentant ce relief se versent dans le ‘Mellegue’. Ces endroits sont habités par les animaux féroces et par tout ce que la vie sauvage a engendré ; on y trouve de tout, de l’infime insecte au prestigieux éléphant mais aussi ces oiseaux énormes à tête de loup et aux griffes de tigres qui sont maîtres des territoires. L’eau des fleuves est abondante et poissonneuse mais infestée de crocodiles et de serpents à morsures mortelles.
Les deux chasseurs guettés par les dangers de ces lieux hostiles, traquent l’ours depuis cinq jours et ne semblent pas abandonner. Ce soir, le fleuve qui les sépare de la bête les oblige à passer la nuit sur les branches d’un chêne. ‘Bira’ rêva d’une colombe à corps de femme l’emportant loin sur les hauteurs des falaises tranchantes, elle lui offrit le règne des cieux et le dota de superbes ailes, il se verra survoler ‘Nadjaria’ et ‘Nadhour’ en lançant à ces concitoyens de ‘Thala’ des rames de ce fruit magique à l’arome et à la saveur de tous les fruits réunis. ‘Fos’ le réveilla en le secouant fortement et en le projetant du haut de l’arbre, il lui a sauvé la vie, il a failli finir dans le ventre de ce python qui était à ses pieds. Ils traversèrent le fleuve sur la branche creuse d’un vieux pin et suivirent leur bête qui imprégna le sol par ses empruntes et l’atmosphère par son odeur. En fin, elle est à leur portée, entrain de s’abreuver tout seul dans un petit enclos où il n’y a même pas une mouche ; ils s’approchèrent de droite et de gauche et quand ‘Bira’ s’apprêta à frapper, le ciel s’assombrit soudainement et le gigantesque oiseau à tète de loup l’agriffa et l’emporta haut dans les cieux, un autre arracha la tête de l’ours d’un coup de griffes et s’empara de ‘Fos’. Le voyage de ‘Bira’ dans les cieux n’est pas le même qu’il a vu dans son rêve à l’exception de cette falaise vertigineuse, le fauve volant le déposa sur un pic qui lui sert de garde-manger et s’envola de nouveau.
Si les premiers hommes se sont fixés dans ces territoires c'est parcequ'ils sont généreux, fertiles et donnant la vie...l'Homme d'en bas dans cette photo, y croit toujours, c'est ce qui fait son bonheur......Birano, Foussana, Thala
‘Fos’ combattif de par sa nature, ne s’abandonna pas au désespoir, il fila entre les deux griffes du prédateur et grimpa le long du corps de l’animal qui bat des ailes puis se haussa jusqu’à son cou et lui enfonça son couteau dans la grande veine, l’animal désemparé, pique dans le lac et coule avec sa proie. ‘Fos’ réussit à sortir de l’eau projeté par les vagues engendrées de la chute du géant et sans se donner de répit se mit à prospecter les lieux ; des plaines qui s’étendent à perte de vue encerclées dans toutes les directions par des montagnes, il n’a aucune idée de sa position et croyait que seule Thala possède des plaines similaires (plaines de Boulahnache) et n’imaginait pas le monde si vaste. Chaque jour, il se choisit une direction et parcourra les plaines, à l’ouest comme au Nord et au Sud, le même paysage se répète ; le quatrième jour, son aventure vers l’Est s’écourta au moment dans les eaux du fleuve « Satour » quant quatre créatures lui saisissent les pieds et l’emportèrent dans la direction inverse des courants, il essaya de lutter mais ne parviendra pas ; il ouvrit les yeux sur un rocher de grès entouré de cinq belles créatures mi-femmes mi-panthères ; les moments d’adaptation durèrent des semaines quand il finira par sceller une union conjugale avec trois d’elles. ‘Fos’ se fixa sur la rive sud du fleuve « Satour », il enfanta des enfants entièrement humains qui grandiront dans un milieu riche où rien ne manquait, les plantes, les fruits, le gibier, bref, un petit paradis qu’on surnomma plus tard ‘Foussana’.
‘Fos’ et son clan noueront des liens très fort avec ‘Zelfane’ la voisine et Thala la mère patrie. Leur vie coula paisiblement une centaine d’années quand un déluge dévasta les plaines et inonda tout le territoire ; ils furent obligés à se réfugier sur les hautes montagnes de « Lajred » voisinant où ils trouvèrent paix, gibier et richesses, y fondèrent un village qu’ils taillèrent dans les roches et y vécurent des milliers d’années.
Foussana: les marbriers arrivent, achètent le terrain agricole, creusent de 12 à 45 mètres pour extraire cette pierre marbrière...puis abandonnent le terrain dévasté, creusé, les montagnes de déchets et de remblai remplacent les forets de pin d'alep et remplacent les champs de blé..avec toute impunité...une catastrophe qui doit etre arrétée...
‘Foussana’ renaitra de nouveau après le desséchement des eaux, et fut peuplée. Elle fut pour longtemps le grenier de la région, ses terres fertiles et son sous-sol riche attirèrent de plus en plus de monde.
Aujourd’hui, ‘Foussana’ connait un intérêt particulier de la part des autorités publiques qui déploient des efforts considérables pour développer cette région riche en potentiel sauf que la déforestation et l’engouement vers l’extraction des pierres marbrières conjugués avec le changement climatique constituent un danger sans précédent ; la nappe d’eau se dessèche, les puits tarissent et les sols deviennent trop acides…dans le grenier de l’Ouest.
‘Foussana’ a besoin d’une revue, d’une évaluation du système hydraulique et des capacités agricoles, mais aussi d’une rigueur face aux carrières de marbre qui prolifèrent anarchiquement sur les terres où se cultivait le blé et l’orge, ces carrières dévastent tout et sont entrain de grignoter dans la forêt.