Thala, E-char légendaire

Publié le 28 septembre 2008 par thala ce village de Tunisie

Petit pays, Grande histoire

Auto-Récit d’un village, Thala-Tunisie (14)

Le récit, cahier 1.3 : Thala, E-Char légendaire

Elle cria de toutes ses forces et longtemps jusqu'à ce que l’étoile brillante du matin pondant à l’Est disparait, c’était une façon de pleurer le disparu mais c’était aussi parce qu’elle donna ce soir même la vie à deux jumeaux, une fille : Thala et un garçon : Guira.

En ces temps là, l’Homme n’a pas encore appris à faire le deuil ; la mort d’un individu est interprétée comme la perte d’un chasseur par conséquent l’affaiblissement de la horde. Les sentiments sont instinctifs et n’ont pas évolué, la tristesse est momentanée et se dissipe très rapidement. Entre l’Homme et l’animal il n’y a pas trop de différences, ils sont tous liés par l’instinct de la survie mais aussi par ce formidable instinct maternel…

Nous devons notre existence à l’instinct maternel. La lionne protège sa progéniture du mâle, l’éléphant, le singe, le vautour, le serpent,…. la femelle de l’homme donne sa vie pour protéger ses enfants… Nous devons notre survie à la femelle. La femelle du monde animal a toujours eu la lourde tâche de chasser pour nourrir ses enfants, au dépit de la démission du mâle, elle a toujours guidé sa horde, elle a toujours été la première à affronter les dangers, comme son égale Humaine, elle a su préserver la vie et continue par l’assurer. Formidable et merveilleuse créature qu’est la femme, la femelle, même en étant insecte.

‘Thala’ et ‘Guira’ ont grandi difficilement dans un milieu hostile et très dangereux où tout le monde est prédateur et proie. Le danger est omniprésent, derrière chaque rocher, chaque buisson, chaque arbre, chaque flaque d’eau, partout, tu te sens guetté, mais l’instinct de survie prédomine et souffle le courage même aux fourmis les plus vulnérables. Quatre ans déjà, ils ne sont plus seuls, six autres petits sont nées et viennent partager avec eux leurs jeux de bousculades et de luttes calqués aux félins et aux gazelles. ‘Thala’ se fait déjà une réputation dans cette meute d’enfants, il a battu en duel le gros ‘Bira’ et maintes fois a fait pleurer ‘Rak’ par ses emprises serrées, ‘Guira’, a vite révélé ses qualités de meneuse, n’a-t-elle pas conduit la petite meute jusqu’au fleuve pour observer la danse des animaux perturbée par l’intrusion mortelle des crocodiles. Ce jour là, elle a failli mourir avec tout le groupe si ce n’est ‘Mabos’, ce jeune chasseur toujours solitaire, qui les a intercepté avant qu’ils ne soient la proie d’une horde d’hyènes. Ils ont expérimenté la vrai peur et se sont battu avec leurs petites mains qui jetaient des petits cailloux aux prédateurs, ils ont appris à crier très fort et à impressionner l’attaquant pour le faire rembourser chemin….Au fil des jours, leur force grandit et leur courage s’amplifie, à huit ans, ils savent fabriquer leurs armes, couper le bois, chercher l’eau, chasser le petit gibier, oiseaux, renards, petites antilopes. A dix ans, ils sont prêts pour affronter la vie et prennent part du cercle des grands.

‘Guira’ qui s’est distinguée, a acquis l’allure d’une petite femme et se trouve convoitée par tous les jeunes mâles du groupe, ils ont tout fait pour attirer son attention, les duels, les courses, la chasse, le défi du tonnerre, le plus dangereux…son prétendant, ‘Char’, un garçon robuste qui ne mâche jamais la viande de ses proies, a promis de lui rapporter le tonnerre en défiant tous les autres. Les grands ont beau essayé de l’empêcher sans succès. Ce matin de vingtième jour d’été, il partit sur les hautes collines du sud, une lance à la main, une gourde d’eau faite d’une peau de cobra et son faucon sur l’épaule. Huit garçons et filles le suivirent dans l’espoir de rapporter le tonnerre eux aussi.

Ces collines majestueuses très fertiles abritent les lions les plus féroces et toutes les sortes d’animaux de la terre car ils y trouvent le gibier, l’herbe, l’eau douce et le refuge dans les énormes grottes disposées par les laves et par l’eau dans les falaises profondes. Les collines s’étendent d’Est en Ouest et parcourent un vaste terrain de plusieurs jours de marche. Il a été raconté que sur cet endroit le plus élevé de la région le tonnerre y a choisi sa demeure et c’est là qu’ont toujours lieu les noces des nuages qui dansent une rituelle transe avant que le tonnerre ne scelle leur mariage par ses milliers d’éclairs éblouissants et par ses foudres. Cette puissance inégalable autant qu’elle a suscité la peur et l’effroi, elle a fait rêver les hommes par la posséder. Celui qui emprisonnera le Tonnerre dans sa gourde, sera le fils d’un Dieu et prétendra à toutes les merveilles, ainsi disaient les grands. Une fois arrivés sur ces collines, le groupe marcha longtemps en silence jusqu’à la falaise ; ‘Char’ avança alors que ses compagnons s’arrêtèrent, il traversa les nuages gris et s’envola dans le gouffre soulevant la gourde ouverte d’une main et brondissant sa lance par l’autre dans un grand défi au Tonnerre… Plusieurs minutes, des heures se sont écoulées sans que rien ne surgisse…Les enfants ont rassemblés le courage qui restait dans leurs veines et ont marché sur l’herbe touffue sans crainte des pythons et des cobras jusqu’au bout de la falaise donnant sur le gouffre, ils se sont tenu les mains en s’apprêtant à sauter ensemble quand un grondement effervescent déclencha le dégagement en spirales d’énormes nuages noirs, le bruit assourdissant s’aggrave et un vent puissant tel un typhon les projeta très loin et quand ils se réveillent de l’assourdissement du choc, ils voient surgir haut dans le ciel ‘Char’ sur l’étalon du tonnerre brandissant sa lance qui projette des milliers d’éclairs.

‘Char’ devint demi-dieu à partir de ce jour et la colline portera son nom jusqu'à nos jours….

E-Char de Thala, légendaire série de collines qui culminent sur la région et protègent la ville de Thala et la cachent aux arrivants du Sud.